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règles poésie classique
L’une de nos grandes poétesses nous a proposé de rédiger quelques conseils de base à l’adresse de tous ceux qui écrivent – ou souhaiteraient écrire – de la poésie classique, mais qui sont un peu perdus dans les règles de la prosodie. Ces courts textes, très bien faits et explicites, guideront, nous l’espérons, nombre d’entre vous sur le chemin de la poésie classique.
(1) Le quatrain
Un bon quatrain se compose de quatre vers, dont deux avec une rime masculine (tambour, fleur), donc un « son » dur, les autres avec une rime féminine (mandoline, clairière), donc « son » adouci par le e muet. Les rimes peuvent être suivies A-A-B-B ou alternées A-B-A-B. Continuez dans l’ordre adopté.
(2) L’hiatus
Dans les vers dits « classiques », éviter l’hiatus, c’est-à-dire le heurt de deux voyelles ou de deux syllabes car cela produit un son peu harmonieux. Exemple : « Tu avais » « hu-ha », - « suspendu au balcon » « hu-ho ». « Un enfant endormi » - « han-han ». Voilà pourquoi des poèmes paraissent plus jolis s’ils ont été surveillés à l’hiatus ! A bientôt !
(3) L’« e » muet
En poésie classique, chaque syllabe compte pour un pied et l’on ne dit pas « Un’ guitar’ chante » mais bien « Une guitare chante ». L’« e » muet est gênant, imprononçable et il faut l’élider. Exemple : ne pas écrire « La vie belle » mais « La vie est belle » ou « la vie heureuse ». Donc faire attention à l’emploi des mots tels que joue, joie, gaie, génie, et le pluriel est pire car on ne peut faire l’élision.
(4) Rimes au singulier et au pluriel
Un poème classique est plus joli, et surtout régulier, lorsqu’à la rime on assortit un singulier avec un singulier et un pluriel avec un pluriel. « Repos » va avec « dispos », et rime beaucoup moins bien avec « dépôt », par exemple. Savoir ce que l’on veut écrire n’empêche pas de choisir soigneusement les mots à employer. Un contenu poétique doit être harmonieux !
(5) Nombre de pieds
La poésie classique demande d’avoir un rythme régulier. Les vers les plus chantants sont ceux composés d’un nombre de pieds « pair ». Pour rappel, chaque syllabe prononcée compte pour un pied, y compris les « e ». Les « e » muets doivent être élidés. Les longueurs de vers les plus courantes sont : l’octosyllabe (8 pieds), le décasyllabe (10 pieds) et l’alexandrin (12 pieds).
(6) Le rythme
Par fantaisie, des vers plus courts peuvent intervenir dans un poème à condition que cela soit à une cadence régulière. L’extrême limite qu’une oreille peut saisir en une seule fois est de sept syllabes ; donc, à partir de huit syllabes, le vers doit être divisé en deux, ou en tronçons bien observés tout au long du poème. Le rythme donne aux vers leur beauté !
(7) L’alexandrin
Pour les grandes pièces de théâtre en vers que l’on connaît, c’est l’alexandrin (12 pieds) qui a été choisi et on l’appelle « le vers Roi ».Il est exigeant et demande avant tout d’être coupé en deux et ce repos s’appelle la « césure ». La première partie du vers, de six pieds, doit s’arrêter obligatoirement sur un « son dur » ou sur une élision. En aucun cas le « e » final ne peut être escamoté !
(8) Les vers à voix haute
L’alexandrin classique étant long, il faut scander le vers et ce n’est pas simplement en compter les syllabes, c’est aussi le diviser par tronçons réguliers qui ne coupent pas les mots. Prononcer les vers à voix haute en les écrivant, et de quelque longueur qu’ils soient, permet de se rendre compte si la mesure est bonne ou non. L’esprit poétique est également de choisir de jolis mots !
(9) L’importance des règles
La poésie classique est une « option choisie » et la soumission aux règles est indispensable. Une poésie rimée sans considération de l’ordre des rimes, de l’hiatus, de l’élision, est appelée « poésie libérée » ou « néo-classique », mais cela correspond à quelqu’un qui pianoterait par rapport à un autre sachant jouer une œuvre. Tous les arts, d’ailleurs, ont leurs règles d’où dépendent beauté et harmonie.
(10) Les rimes riches
La chanson permet des rimes approximatives mais la poésie classique est plus exigeante et l’on parle de « richesse de rimes » lorsque deux rimes sont d’égale résonance. « Odeur » et « Candeur », par exemple, sont mieux assorties qu’« odeur » et « langueur ». C’est en pratiquant la poésie que l’on en apprend le travail de ciselage, cela étant dit pour les puristes.
(11) Les Métaphores
C’est la versification qui donne la musicalité au poème. Celui qui a reçu le « don » des Muses possède en plus la poésie des mots en de jolies métaphores. La métaphore c’est l’image changeant le concret en abstrait. L’Océan, par exemple, est une « longue écharpe bleue ». Un très beau langage favorise la « poésie libre » dite « moderne », sans rimes, mais la poésie classique ne peut que s’embellir des métaphores.
(12) Les pièges
Il est bon de noter les trois pièges tendus dans la poésie classique : 1) des mots comme « parfois », « procès », « confus », etc. sont assimilés à des pluriels et nécessitent leur rime au pluriel ; 2) la « douceur », la « réalité » (ou autres), bien que du genre féminin, sont des rimes masculines (son dur) ; 3) les mots au pluriel avec « e » muet impossible à élider doivent être mis à la rime, comme les mots « années », « rient », etc.
(13) Le rondel
Il y a des poèmes dits de « forme fixe ». Leur récapitulation serait fort longue… Certains en inventent encore ! Les formes les plus usitées sont le rondel, la ballade et le sonnet. Voyons le « rondel », si gentil pour des mots d’amour ou des souhaits. Il se compose de 13 vers sur 2 rimes seulement. A supposer que la rime masculine soit A et la féminine B, il faut un quatrain embrassé ABBA, un quatrain croisé ABAB, les deux derniers vers étant le réemploi des deux premiers, un 3e quatrain embrassé ABBA, auquel s’ajoute le premier vers. C’est très chantant… Il faut 8 pieds à chaque vers.
(14) La ballade
La ballade est moyenâgeuse et se compose de trois couplets et demi, chacun de 8 vers de 8 pieds. Le tout se joue sur 3 rimes : ABABBCBC. Les trois couplets se terminent par le même vers. Le demi couplet final qui se nomme « envoi » commence par un beau mot, « Amour » ou « Prince » par exemple, et reproduit l’ordre BCBC. En tout 28 vers.
(15) Le sonnet
Le sonnet est le Roi, c’est pourquoi il a beaucoup d’exigences dont il faudra reparler ! Il comprend 14 vers distribués en deux quatrains et deux tercets (3 vers). La « chute » doit être soignée ! L’alexandrin (12 pieds) est recommandé. La combinaison se présente ainsi : ABBA – ABBA (mêmes rimes) puis CCD et EDE, chaque lettre représentant une nouvelle rime. Si le 2e quatrain finit par une rime masculine, E doit être une rime féminine et inversement.
(16) La poésie… un art N’oublions pas que la poésie est un art… un art majeur avec ses règles, du moins pour le classique. Il y a beaucoup à apprendre pour trouver la beauté et l’harmonie, tout comme on peut pianoter ou interpréter de beaux morceaux. Il n’est pas défendu de s’aider du dictionnaire des rimes, et même du dictionnaire des synonymes, ce dernier permettant de trouver le mot plus juste pour exprimer la pensée
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